Premier succès d’un essai de thérapie génique pour la bêta-thalassémie

Premier succès d’un essai de thérapie génique pour la bêta-thalassémie

Pour la première fois, un protocole de thérapie génique a permis de traiter avec succès un jeune adulte atteint d’une forme grave de bêta-thalassémie, maladie génétique de l’hémoglobine. Traité depuis plus de deux ans, le patient n’a plus besoin de transfusion sanguine pour mener une vie normale, un succès qui concrétise les espoirs placés dans l’utilisation de la thérapie génique pour traiter les maladies du sang. Cet essai thérapeutique dirigé par le Pr Philippe Leboulch a été initié dans l’Unité de recherche qu’il dirigeait avec le Pr Yves Beuzard au sein de l’Institut Universitaire d’Hématologie de l’hôpital Saint-Louis. Publiés dans la revue Nature, les résultats de cette étude sont le fruit d’une collaboration entre des équipes fançaises, américaines et la société bluebird bio. Les investigateurs principaux sont le Pr Marina Cavazzana-Calvo (hôpital Necker-Enfants malades) et le Pr Eliane Gluckman (hôpital Saint-Louis).

La bêta-thalassémie est une maladie génétique héréditaire due à une anomalie du gène de la bêta-globine, constituant essentiel de l’hémoglobine. Contenue dans les globules rouges du sang, l’hémoglobine permet de fixer l’oxygène au niveau des poumons puis de le transporter vers tous les tissus de l’organisme.

Il existe plusieurs formes de bêta-thalassémie de sévérité variable; certaines formes n’entraînent aucun symptôme et d’autres mettent la vie en danger en provoquant une anémie profonde. Selon la gravité de l’anémie, les premiers signes vont apparaître dans la petite enfance (entre 6 et 12 mois) ou plus tardivement. Elles touchent chaque année 200 000 enfants à la naissance, faisant d’elles la maladie génétique la plus fréquente au monde.

Dans les formes sévères de la maladie, des transfusions sanguines régulières toutes les 3 ou 4 semaines sont nécessaires pour assurer la survie des patients. Mais leur caractère répété apporte un excès de fer qui doit être éliminé par un traitement afin d’éviter des effets secondaires graves et parfois mortels. Si ce traitement a transformé l’espérance de vie des patients, sa lourdeur altère fortement leur qualité de vie. Quand cela est possible, une greffe de moelle osseuse peut être envisagée chez les enfants et les adolescents, mais cette voie thérapeutique reste soumise à la difficulté de trouver un donneur compatible et à un risque de rejet de greffe.

La thérapie génique est donc un véritable espoir pour la grande majorité des malades atteints d’hémopathies. Dans ce cas, elle consiste à introduire, dans les cellules souches de la moelle osseuse du patient, le gène normal en remplacement du gène défectueux grâce à un vecteur viral inoffensif. Pour ce faire, les cellules souches sont extraites d’un prélèvement de moelle puis sont cultivées en présence d’un virus porteur du gène normal. Le virus va pénétrer dans les cellules et s’insérer dans leur génome (l’ADN), ce qui va permettre au gène normal de s’exprimer. Le malade reçoit une chimiothérapie pour détruire ses propres cellules souches défectueuses, et 48 heures après, les cellules transfectées avec le gène thérapeutique lui sont réinjectées par voie intraveineuse.

Avant d’appliquer ce protocole aux cellules souches hématopoïétiques de l’homme, le groupe du Pr Delbouch avait mis au point il y a près de dix ans un protocole de thérapie génique chez la souris. Plusieurs obstacles majeurs ont dû être levés comme transfecter un nombre suffisant de cellules à l’aide d’un virus particulièrement efficace, obtenir un niveau d’expression optimal du gène de la bêta-globine…Egalement, une fois inséré dans les cellules, le vecteur viral (le virus) ne doit pas se reproduire ni activer des gènes autres que celui de la bêta-globine.

Aujourd’hui, grâce à ce premier succès, la vie du jeune patient thalassémique entré dans le protocole en 2007 a changé. Compte tenu des résultats très prometteurs, l’Afssaps a autorisé l’inclusion d’un nouveau patient et la poursuite de l’essai.

Source :

Marina Cavazzana-Calvo(1,2,17), Emmanuel Payen(3,4,5,17), Olivier Negre(3,4,5,6), Gary Wang(7), Kathleen Hehir(8), Floriane Fusil(3,4,5), Julian Down(8), Maria Denaro(8), Troy Brady(7), Karen Westerman(8,9), Resy Cavallesco(9), Beatrix Gillet-Legrand(6), Laure Caccavelli(1,2), Riccardo Sgarra(10), Leila Maouche-Chrétien(3,4), Françoise Bernaudin(11), Robert Girot(12), Ronald Dorazio(8), Geert-Jan Mulder(8), Axel Polack(8), Arthur Bank(13), Jean Soulier(5), Jérôme Larghero(5), Nabil Kabbara(5), Bruno Dalle(5), Bernard Gourmel(5), Gérard Socie(5), Stany Chrétien(3,4,9), Nathalie Cartier(14), Patrick Aubourg(14), Alain Fischer(1,2), Kenneth Cornetta(15), Frédéric Galacteros(16), Yves Beuzard(3,4,5), Eliane Gluckman(5), Frederick Bushman(7), Salima Hacein-Bey-Abina(1,2,17) & Philippe Leboulch(3,4,9,17). Transfusion independence and HMGA2 activation after gene therapy of human β-thalassaemia. Nature 467:318-22 (16 September 2010).

  1. Clinical Investigation Center in Biotherapy, Groupe Hospitalier Universitaire Ouest, Inserm/Assistance Publique–Hôpitaux de Paris, Paris 75015, France
  2. University Paris-Descartes, Paris 75005, France
  3. CEA, Institute of Emerging Diseases and Innovative Therapies (iMETI), Fontenay-aux-Roses 92265, France
  4. Inserm U962 and University Paris XI, CEA-iMETI, Fontenay-aux-Roses 92265, France
  5. Departments of Hematology, Bone Marrow Transplantation and Biochemistry, University Paris VII, Institute of Hematology, Hôpital Saint-Louis, AP-HP, Paris 75010, France
  6. Genetix-France, CEA-iMETI, Fontenay-aux-Roses 92265, France
  7. Department of Microbiology, University of Pennsylvania School of Medicine, Philadelphia, Pennsylvania 19104, USA
  8. Genetix Pharmaceuticals, Cambridge, Massachusetts 02139, USA
  9. Genetics Division, Brigham & Women’s Hospital and Harvard Medical School, Boston, Massachusetts 02115, USA
  10. University of Trieste, Department of Life Sciences, Trieste 34127, Italy
  11. Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil, Créteil 94000, France
  12. Department of Biology, Hôpital Tenon, Paris 75020, France
  13. Department of Medicine and Department of Genetics and Development, Columbia University College of Physicians and Surgeons, New York, New York 10032, USA
  14. Inserm UMR745, University Paris-Descartes, Paris 75005, France
  15. Department of Medical and Molecular Genetics, Indiana University, Indianapolis, Indiana 46202, USA
  16. Hopital Henri Mondor, AP-HP, Créteil 94000, France
  17. These authors contributed equally to this work.

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